Arrétons de nous débrouiller!

Si en France les salariés ont une productivité exceptionnelle, soit 5% de plus par heure travaillée qu’un américain, il ne faut pas oublier que l’on parle ici d’heure travaillée! Parce que tout au long de sa vie active, le français produit en fait 35% de moins que le même américain!

Et pour ne rien arranger, en France, les entrepreneurs sont les champions du non-dit. En effet, les salariés devraient normalement avoir une « feuille de route », comme n’importe quel ministre ou général, ce fameux document que l’on appelle une fiche de fonction. Et chaque entreprise, pour éviter tout litige concernant le très sensible sujet du calcul des heures travaillées, devrait mettre en place une pointeuse. Surtout depuis l’application de la loi dite des 35 heures, et la réforme dite des heures supplémentaires, notamment aux entreprises de services. Pour être plus clair, chaque entreprise devrait permettre à ses salariés de pouvoir travailler plus pour gagner plus.

En fait, cela s’avère impossible, dans les faits. Pour plusieurs raisons.

La pointeuse

    mal vue dans l’industrie, elle est réclamée dans les services: les horaires variables, souvent instaurés par l’entreprise pour augmenter la plage d’activité de ses salariés, ont en fait des effets pervers. Le plus évident: les cadres arrivent tard le matin, et partent tard. Le personnel administratif quant à lui, arrive tôt et repart tôt. Pendant plusieurs heures, les uns sont peu productifs car il n’ont plus leur courroie de transmission voire leur source d’information, et les autres parce qu’ils n’ont pas de mission clairement affectée. Et si les cadres comptent rarement leurs heures, par contre le reste du personnel lui respecte strictement ses horaires, surtout si on lui a refusé des heures supplémentaires (oui, encore maintenant).

La fiche de fonction

    demandée par le salarié, elle met souvent des mois à arriver, car plus la fonction est floue, plus on peut élargir sa plage d’activité. Donc, entre les fiches loufoques des non-cadres tant elles couvrent la quasi totalité des activités de l’entreprise, et les fiches ultra-verticales des cadres destinées à ne laisser que peu d’initiative, nombreuses sont les entreprises qui ne s’y risquent pas. Et la dénomination du poste dans le contrat de travail est rarement suffisamment explicite. Ainsi, la plupart des salariés ignorent exactement ce pourquoi ils sont payés.

Les 35 heures

    mal nécessaire, nombreuses sont les entreprises qui se plaignent de perdre de l’argent et des marchés avec le système. En fait elles en perdaient avant, en perdraient sans, et en perdront après. Les entrepreneurs ont toujours cherché des boucs émissaires sociaux à leurs incompétences. J’ai d’ailleurs une preuve concrète de leur mauvaise foi. Dans un secteur spécifique, ou la plupart des acteurs ne sont pas passés aux 35 heures, une entreprise l’a fait. Jouant le jeu et augmentant son nombre de salariés, en recrutant, ce qui est l’objectif premier. Résultat? Un CA en croissance supérieure au marché, une marge ad-hoc, et des salariés contents. Un rapport de cause à effet? Je ne pense pas, pour le CA et la marge. Sûrement pour le moral des salariés. En fait, l’entreprise est extrèmement bien gérée, par un patron présent et impliqué. Il aime son métier, et ça se sent. Il ne demande rien qu’il ne puisse faire lui-même. Il est juste. Et ses salariés le lui rendent bien. Naturellement, il est l’objet des moqueries de ses confrères, moqueries d’autant plus acerbes que les confrères en question ont de moins bons résultats, sans l’argument social des 35 heures! A chaque fois qu’un problème est rencontré au sein de cette entreprise les salariés concernés sont invités à débattre sur le sujet et à proposer une solution. Si elle est jugée viable par les managers et par l’entrepreneur, elle est procédurée, documentée et appliquée. Et ça marche. Sous 35 heures. Pour une entreprise qui fonctionne 7 jours sur 7.

Les heures supplémentaires

    l’entreprise a tellement l’habitude de rallonger les horaires, sans pour autant transformer ces périodes en heures supplémentaires (tant pour les cadres que pour les non-cadres), que même une loi fiscalement favorable ne permet pas de travailler plus pour gagner plus. Nombreuses sont encore les entreprises qui font peser sur les salariés ayant les contrats les plus défavorables (cadres au forfait) le poids du travail non effectué par les autres. Ainsi, on ne compte plus le nombre de cadres effectuant des taches administratives en dehors des horaires d’ouverture de l’entreprise (rédaction de contrats, de devis, gestion des relances clients et fournisseurs).

En cas de disfonctionnement, soit dû à l’un des aspects précedemment cités, soit dû à un défaut d’organisation, ou à une carence fonctionnelle, les entreprises en France considèrent le système D comme étant la méthode de gestion ultime! Plutôt que d’analyser le problème, de définir une solution et de l’appliquer, tout en la documentant, pour ré-utilisation ultérieure, on laisse chacun supporter le problème et le résoudre tant bien que mal. Avec plus ou moins de succès. Sans compter que selon le principe de l’ouverture de parapluie, celui qui est amené à cette résolution est souvent le fusible de la chaine de décision.

Arrétons de répondre aux besoins fonctionnels par le système D. Refusons de faire n’importe quoi pour colmater une brèche dans la coque. Si une brèche existe, il y en aura d’autres. Essayons plutôt d’empécher les brèches d’arriver. Mais pour cela, il va falloir être ferme. Coller à son métier, laisser les managers et autres dirigeants effectuer le métier pour lequel ils sont rémunérés, c’est à dire prendre des décisions, mettre en place une organisation, assurer une gestion et un suivi de la qualité, tant client que fournisseur et collaborateur. Bref, laissons les faire de la bonne gestion. Et cessons d’éteindre des incendies sans jamais se préoccuper d’une politique de prévention du feu!

La combinaison de tous ses facteurs font de la France un champion mondial de la consommation de tranquilisants, d’anxiolitiques et bientôt de suicides sur le lieu de travail. Relation de causes à effets, dont aucune enquète épidémiologique nationale n’a jamais abouti, très souvent étouffées dans leur budget par décision politique. De là à y voir la volonté d’un lobby…

sources:

  • rapport CLCF page 9
  • des années au service des entreprises dans le conseil, l’organisation et la prestation de service

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