avr 08
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Je vous présente mon nouveau DSI…
…il s’appelle Google. Google Apps.
Cette phrase, à la limite cryptique, risque d’être prononcée dans de nombreuses PME-PMI, dans les mois qui viennent.
Pourquoi des mois? Parce que Google, tout frais sur ce marché, duplique les modèles existants: de l’indirect, et essentiellement vers les blue ships. Donc, forcément, les PME-PMI arriveront plus tard. Pour Google. Car d’autres s’y attaquent déjà.
Mais nous n’avons pas attendu pour proposer le modèle Google Apps SaaS à de petites entités juridiques. Après un test interne réussi, nous sommes en train de le déployer sur plusieurs sites. Reste à trouver le meilleur mode de facturation de ce VAS (value added service, ou service à valeur ajoutée). Le modèle le plus évident semble être le forfait. Mais le plus probable sera la régie, tant les possibilités de déploiement et d’implémentation sont vastes (collaboratif, CRM, circuits de validation…).
Pourquoi donc Google se lance dans l’indirect après avoir tant priviligié le direct? Déjà parce que le modèle est maîtrisé par la concurrence, et donc facilement duplicable (recrutement, formation, acquisition…). Ensuite parce qu’il est plus facile de gérer 10 acteurs mondiaux, dont 3 en France, plutôt que quelques centaines, voire milliers, de SSII et autres consultants à travers le monde. Enfin, parce que de toute façon, ces derniers n’attendrons pas l’éditeur (j’ai dit éditeur?) pour commercialiser un savoir faire autour du produit. Sans oublier l’appétit de certains, tel le Nasscom (le Syntec Indien), qui pourrait trouver là un excellent cheval de Troie pour se développer en Europe, après le recul de ses parts de marché aux USA.
Le concurrent le plus évident, Microsoft, opte pour la même stratégie. Avec la même problématique. Recrutement du réseau, rémunération et formation du canal indirect. Mais avec une difficulté de taille: la concurrence interne, le modèle SaaS s’opposant au modèle client lourd historique qu’est le couple Exchange-Sharepoint. Il va en effet être difficile pour le réseau existant de tenir un discours SaaS cohérent alors qu’il soutient l’inverse depuis des années! Et qu’il garde également les anciens produits à son catalogue. Et surtout, comment le réseau va-t-il se rémunérer, alors que bien souvent son offre VAS est anecdotique…
Mais le modèle SaaS va faire émerger de nouveaux acteurs dans la diffusion et l’implémentation de solutions d’entreprise. Un FAI, un opérateur telecom, pourront s’aligner. Un tutorial bien fait, un support en ligne qualifié, peuvent très souvent suffire à une petite structure un peu technique. Une franchise immobilière l’a récemment prouvé.
Bien sûr, quelques intermédiaires vont refuser de commercialiser la solution pour d’obscures raisons de rémunération, de modèle économique ou d’antériotité (Exchange Hosted Services, déjà, ça ne passait pas…).
Et encore bien sûr, Microsoft ne pourrait laisser longtemps une offre hébergée de ses produits lui échapper via des hébergeurs précurseurs.
Mais là ou Microsoft prend un risque c’est en entrant cette offre à son catalogue. Car ainsi elle est formalisée, packagée et doit suivre une roadmap. Là ou Google est en béta compréhensive*…
L’enjeu n’est pas seulement l’application hébergée. Le client est également au centre du conflit. Léger pour Google, si tant est qu’une interface bourrée d’Ajax le soi, et néo-local avec Gears, il est lourd chez Microsoft. Au mieux, riche. Et la bataille du client web riche (CWR) fait intervenir de nouveau fronts et de nouvelles troupes: Adobe, Java et Mozilla s’en mèlent.
Avec la récente mise à disposition de son Google Apps Engine (liste d’attente, béta privée, espace de stockage sécurisé en ligne), s’appuyant sur Gears, Google va enfoncer le clou déjà sanguinolent d’Apps.
Et ce n’est pas Adobe-Air-Flex, AspDotNet-Silverlight, et leur vision à 5 ans qui vont faire du mal, ou du bien, dans l’immédiat. Ni les couples Mozilla-Xul (quoique…) ou Java-JavaFx, avec leur retard technologique.
Le CWR exploitant des applications internet riches (RIA, Rich Internet Applications) est pourtant l’avenir évident d’un SI de PME-PMI.
Il est probable que la sortie dans quelques mois d’HTML5 serve d’accélérateur pour tous ces acteurs. Et en matière d’accélération, brutale, c’est encore Google qui a montré la plus grande compétence. Pourquoi d’accélérateur? T. Nitot l’explique plutôt clairement; HTML5 va figer, ou diriger les interfaces. Donc les technologies propriétaires s’affolent pour sortir et occuper le terrain le plutôt possible. En devenant un CWR de référence. Ce que Firefox deviendra naturellement, vu l’implication de la fondation Mozilla dans les spécifications d’HTML5. Une base Ajax-RIA.
IBM et Napoléon (oui, Bonaparte…) l’avaient douloureusement prouvé, être présent sur plusieurs fronts, c’est prendre le risque de ne vaincre sur aucun d’entre eux.
Microsoft se veut être force de proposition et de solution, du côté SaaS et du côté CWR.La pseudo bataille Microsoft-Adobe est en fait une querelle d’experts côté applicatifs. Pas côté utilisateur. En face, le client sérieux c’est Firefox-Apps-Gears. Avec un code ouvert, un Apps Engine gratuit, une réactivité potentielle hors norme, des millions d’utilisateurs heureux, un fort capital de sympathie des milliers de développeurs indépendants et un véritable écosystème. Plus brièvement, une vraie évidence.
Reste la garantie de service et la fiabilité des datacenters. Et leur impact sur l’environnement (eh oui, aussi!). N’oublions pas qu’une récente étude de Vanson Bourne, pour Overland Storage sur les DSI français, place cette préoccupation en 3ème position derrière la performance et le coût. Vu la performance et le coût d’une solution SaaS Google le critère environnemental prend une vraie importance! Et Google est le premier fabricant mondial de serveurs informatique. Et son seul client. Il a le vécu des grosses montées en charge mondiales. Il assure avec une très grosse fiabilité la gestion de millions d’utilisateurs, en permanence (24/24-7/7). Au travers de son moteur, mais également au travers des applications ads (publicités), de Gmail, d’Orkut, de Docs (bureautique d’Apps), de Calendar, de Reader… d’Apps!
Difficile pour la concurrence de mettre ces compétences en défaut, et de garantir la même exhaustivité et fiabilité vécue.
De plus Google est un champion socio-environnemental. Systématisme des énergies renouvelables (panneaux solaires), cocooning des salariés, fondation exceptionnelle, devise (Don’t make Evil)…
Il va être difficile de combattre une entité qui pour l’utilisateur est un mélange d’Einstein, de Robin des Bois, de Steve Jobs, de mon meilleur pote et du père Noël.
Pourquoi ça va marcher?
- la gestion des licences est une galère
- le suivi d’un parc logiciel est couteux
- la sécurisation des applications est un métier dans lequel les PME-PMI ne sont pas prêtes à investir
- idem pour la sécurisation des données
- trouver des compétences Sharepoint est un chemin de croix (mais moi je sais le faire…)
- Google Apps est un formidable outil de backoffice marketing et commercial (demandez moi pourquoi…)
- il est acquis que l’on produit un meilleur logiciel en mode collaboratif
- avec Adobe, seuls les graphistes ont du fun
- les utilisateurs abusent de Google avec sympathie et supportent Microsoft au quotidien
Alors? Microsoft a déjà perdu la guerre.
Mais il lui reste quelques belles batailles à gagner.
Notes:
- * béta compréhensive: une version non définitive, d’une application, mais tolérée largement par les utilisateurs car très peu buggée et largement opérationnelle; une spécialité de Google, totalement intégrée par la génération Y
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