Début des années 80, j’ai créé avec un ami, Yves Guffroy, le premier club micro-informatique jamais créé dans un lycée en France. A l’époque, seuls les clubs Microtel permettaient l’accès à la micro-informatique, sous contraintes, et à des gens triés sur le volet.
Nous avions demandé deux subventions à l’éducation nationale, au travers d’un machin qui s’appelait le PACTE. Pour obtenir deux fois l’équivalent d’un peu plus de €4000. €2000 pour l’aménagement des locaux, et €2000 pour l’achat de matériel. Nous avions également créé une association, pour le cadre légal. Nous avions aussi embarqué notre professeur de physique (et professeur principal) dans l’histoire, car il fallait une caution pédagogique. Bien sûr, pour lui c’était du chinois.
Quelques semaines plus tard, nous sommes Yves et moi, convoqués dans le bureau du proviseur, interrompus en plein cours. Là, outre le proviseur, nous attend un vieux bonhomme (il devait avoir au moins 40 ans), nous regardant d’un air soupçonneux. Il s’agissait d’un inspecteur de l’éducation nationale, spécialement venu de Paris, qui voulait savoir qui avait eu l’audace de monter un PACTE pour obtenir un financement destiné à soit-disant acquérir des outils informatiques, alors que les matériels achetés par l’éducation nationale ne coûtaient jamais moins de €15000 à l’époque!
Après une bonne heure d’explications, il nous a renvoyé dans notre classe. Quelques semaines plus tard, l’association recevait ses €4000. Nous avons rapidement acquis trois machines: un Pet Commodore 32, un TRS 80 model II, et un Apple II double floppy.
Lecteur de l’ »Ordinateur Individuel » (OI), cela paraissait le meilleur choix pour l’époque. Et par l’OI, et certaines publications US ou UK (Bytes…), nous connaissions déjà Steve Jobs. Car si derrière le TRS et le Pet32, il y avait des entreprises, derrière l’Apple, il y avait deux vrais gens. Comme nous.
la photo que je préfère: malicieux et pas conquérant
C’est comme ça que Steve Jobs est entré dans ma vie. Un peu comme PPDA entrait dans la vie de milliers de français, ou Mickey dans celle de millions d’enfants. Sauf que Mickey est immortel, et PPDA, maintenant, on s’en fout un peu. Comme de surcroît j’ai une tendance à la fidélité, j’ai toujours suivi la carrière de Steve, de loin, et même parfois de très loin. John Sculley est ainsi devenu mon ennemi (en plus il venait de chez Pepsi, moi qui suis fan de Coca… Double peine!).
Fin des années 80, je travaillais sur un Atari 1040ST. Début 90, j’utilisais des Macintosh. Depuis 2000 des PC et mon smartphone est sous Androïd, car je ne suis pas du tout iPhone. Je ne suis pas un FanBoy.
Steve, comme d’autres d’ailleurs, faisait partie de ma vie. Un peu comme ces vieux potes dont on parle de temps en temps, que l’on essaie parfois de joindre infructueusement, mais auxquels on pense souvent. Il y a eu Gary Gygax, Boyd Coddington et bien d’autres disparus et pas remplacés. Il y a encore Peter Adkison, Stan Lee, Michael Moorcock (lui je l’ai vu), que je peux encore rencontrer, et qui peuvent encore donner un peu de leur génie au monde.
Mais là ou ces derniers sont quand même des potes un peu confidentiels, Steve, tout le monde le connaissait. Ce qui rendait sa proximité encore plus forte. Et sa disparition encore plus difficile. La disparition de Gary Gygax et de Boyd Coddington , a été plus supportable.
Plus supportable, car pas martelée toute la journée. Pas affichée partout, sur tous les écrans, toutes les unes, et dans toutes les conversations. Pas entourée de discours au mieux lénifiants, au pire haineux, mais toujours mal informés. De ces discours qui vous donnent envie de réagir assez mal.
La disparition de Steve fait plus mal, parce qu’elle ne s’est pas faite dans l’intimité. L’intimité que l’on aimerait donner à un vieux pote qui disparaît.
Je t’aime bien Steve. Tu me manques déjà.
::
::
Vous pouvez également me suivre sur Twitter => @WebRoutard !
::
WebRoutard est un blog de Patrick Barrabé
oct 11
6
::
::
Vous pouvez également me suivre sur Twitter => @WebRoutard !
::
WebRoutard est un blog de Patrick Barrabé
août 11
24
Je suis le premier de ma TL à avoir annoncé l’info du rachat. Et je peux vous dire que dans ma TL, il y a du beau monde. Et de l’up2date. Idem sur Google+. Et comme je n’y croyais pas, j’ai vérifié. Je me suis renseigné. J’ai lu. Beaucoup. Des bétises. Beaucoup. Des analyses. Très peu. Des analyses pertinentes. Euh, non en fait, là, aucune.
Alors, je vais donner mon avis sur le sujet. Parce que j’ai toujours un avis sur tout.
Motorola est une entreprise américaine qui a 83 ans. On doit à Motorola l’autoradio et le talkie-walkie. D’ailleurs, c’est avec un talkie-walkie Motorola que Neil Armstrong a prononcé le fameux « un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité ». Et en 1986, Motorola invente 6 Sigma.
Alors, en achetant Motorola, Google n’achète pas n’importe quelle entreprise. Il achète un pan entier de la culture américaine. Et de l’innovation mondiale du 20ème siècle. Innovation, car Motorola a un portefeuille de plus de 17.000 brevets. Et comme pourrait le dire Warren Buffett, ils ont enfin leur « patent moat », leur fossé en matière de brevet.
Tout le monde depuis plusieurs jours glose sur le fait qu’il vont pouvoir utiliser ces brevets comme force de frappe dissuasive, comme arme de dissuasion massive, contre par exemple Apple… Certes. D’autant que la démission de Steve Jobs va sûrement affaiblir la firme.
Mais c’est faire peu de cas de l’intelligence de Google, et c’est également mal connaître les principes d’usage des brevets.
D’abord, en acquérant Motorola, Google achète une vraie compétence en dépôt de brevets industriels. Car déposer des brevets industriels, et obtenir qu’ils le soient, c’est un vrai savoir faire, qui ne s’improvise pas, même en recrutant des spécialistes du sujet. C’est presque une culture d’entreprise. Et cette culture, Motorola en est génétiquement imprégnée. C’est autant d’honoraires que Google ne versera pas à des cabinets spécialisés sur le sujet, ils pourront le faire en interne. En toute confidentialité. Et on parle là de sommes énormes, quand on connaît les tarifs des cabinets d’avocats spécialisés sur le sujet aux USA.
Actuellement, les fabricants de smartphones versent des royalties à Apple, pour chaque smartphone fabriqué. Environ $15. Mais pas seulement à Apple. En effet, il est possible de commercialiser l’usage de ses brevets. Certaines entreprises américaines en font même un métier.
Avec 17k brevets, Google pourra engranger des tonnes de royalties, et pas seulement dans la téléphonie mobile. Et contribuer à faire baisser les royalties que les fabricants de smartphones versent à Apple et aux autres, pour rendre Android encore plus désirable (économiquement). Ou même prendre une part du gâteau.
Google achète également un industriel, fabricant de machines. Les téléphones mobiles. Et là, tout le landernau de l’IT à l’air de tomber des nues: Google, fabricant de « vent », exportateur de « nuage » n’ayant aucune raison de s’encombrer d’un acteur industriel va sûrement se débarrasser de cet aspect à plus ou moins brève échéance.
C’est oublier que Google était déjà il y a 4 ans le second fabricant de serveurs au monde. Et l’un des premiers fabricants d’infrastructure. Que Google investit dans l’énergie, devenant un opérateur énergétique (SmartGrid, éolien, solaire…). Quand ou ajoute Motorola dans l’équation, n’y aurait-il pas là un vrai axe industriel, et un dessein stratégique?
Alors, plutôt que de faire du buzz à bon marché, laissons Google nous étonner. Encore.
::
::
Vous pouvez également me suivre sur Twitter => @WebRoutard !
::
WebRoutard est un blog de Patrick Barrabé